Carnets de voyage: Regina - suite et fin


Je suis rentré mercredi dernier, avec armes et bagages. Parti seul, je suis revenu avec ma femme et... ma fille, un petit bout d'ange qui nous a été confié par Dieu et le Grand Balancier de la Vie il y a 17 jours. J'avais le sentiment de les retenir en otage avec mes cours et mes examens, alors dès que j'ai achevé le dernier, nous avons pris la route. Le trajet n'a duré que huit heures, y compris les arrêts pipi pour adultes et les pauses-allaitement du bébé.

Regina s'est terminé à la course. Deux êtres sont apparus dans ma vie et tout a basculé. Dès que ma femme m'a rejoint, je ne suis plus allé faire les courses à l'épicerie du coin. Dès que ma fille est née, je n'ai plus fait de longue marche vers le bureau. J'ai plutôt appris qu'autant on a besoin des autres dans sa vie, autant il faut savoir sacrifier une partie de son indépendance pour les y accueillir décemment. J'ai sacrifié quelques unes de mes heures de solitude et d'introspection à l'autel de l'amour des femmes de ma vie.

Regina s'est fini à la course. Je n'ai pas pu faire mes adieux à certains amis ou retourner à certains endroits. Je me suis pourtant attaché à cette petite ville, aux restaurants que je fréquentais, à l'Université de Regina et au centre-ville. J'ai appris à aimer Regina et j'ai dû me faire violence pour la quitter. Mais cet attachement est-il authentique et sincère ou serait-ce simplement parce que je sais que de toutes façons je dois rentrer et que quelque part m'attend un confortable chez moi?

Enfin comment dire que Regina, c'est fini? Ces histoires finissent-elles jamais vraiment? Je vais m'allonger, écrire, lire, jouer, danser et vivre et très vite, je vais me remettre à rêver à la prochaine destination, à la prochaine escapade. Je vais la monter de toutes pièces, la fignoler, la ficeler, la saucisonner et m'arranger pour que le rêve puisse se réaliser; je vais y songer longtemps, me préparer lentement et le réaliser délicatement. Qu'il s'agisse du festival de Jazz de Montréal, des danses d'Abomey, des baleines d'Oka ou de Churchill, du lac Manitoba, D'Ayer Rock ou des fermes de Swan River, je repartirai vers des coins reculés du Canada ou d'ailleurs. Car le voyage, c'est devenu un virus, un vice, une tare, une bénédiction, une grâce, un don. Une opération que j'execute avec de mieux en mieux de précision, comme des millions de personnes de ma génération, de mes pays, de mon monde, des millions d'Indigènes du monde.

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